Les Vacances

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Les vacances

I

Han, han, han, pfff, quelle galère.
13 nœuds 3 dixièmes, pivotement sur la gauche, apnée 13 secondes, 345 piles, j’espère tenir bon.
18 heures plus tard et 4 bouffées d’hélium pur.
Je parie que ce plan est bidon, très très précis, peut-être trop.
Pourtant ça clignote toujours.
Bon assez tergiversé, vérification des tentacules.
Poils absorbants ok.
Poils révulseurs ok.
Poils propulseurs ok.
Poils nettoyeurs-vidangeurs ok.
Antennes paraboliques ok.
Antennes émettrices ok.
Antennes réceptrices ok.
Cuve d’hélium ok.
Poils urticants ok.
Poils sympathiques ok.
Poils séducteurs ok.
Poils armatures ok.
Poils gazifiants ok.
Poils nourrices ok.
Poils déchetterie ok.
Poils transformateurs ok.
Je pense que le compte est bon.
La conscience n’a qu’à bien se tenir.
Un plan simple, m’ont-ils dit…tu parles…
Ne nous plaignons pas, bon job, bonne rémunération, beaucoup d’amour lumineux et avec ça j’ai obtenu un rab d’hélium pur.
Génial.
John est parti plus tôt, le chançard mais il a des fréquentations, lui.
Nous ne sommes pas du même district.
Il a commencé son emploi 73 ans avant moi, et il a une vitalité à revendre!
A croire que la Bleue ne l’atteint pas.
Il a à son actif beaucoup de missions secret défense.
C’est un as.
Je ne l’envie pas car nous ne connaissons pas cet état d’âme, comme ils l’appellent.
Etat d’âme? Sorte de langueur émotionnelle qui va en zig zag, une carte météorologique ou un avatar.
La représentation m’est aisée mais je ne comprends quand même pas.
Bon, laissons tomber.
Ils m’ont dit très clairement: « Jim, ne t’occupes pas de la pensée, c’est une perte de temps et tu as autre chose à faire ».
Texto.
Je sais qu’ils ont raison.
Je suis un être jouissant mais ne ris jamais.
Le son rire ne sort pas, il faut une gorge m’ont-ils dit.
Pourtant, ça a l’air marrant.
Je m’égare. J’ai tout vérifié, message encodé, envoi, c’est parti.
Un millionième de milliseconde plus tard.
Ah non, ce n’est pas vrai, ils se sont encore trompés dans leurs derniers calculs trigonométriques, j’en ai encore pour 10 ans au moins, avant mon plaisir…
La Lumière.
Aah la Lumière, blanche, incandescente, bouleversante, coquine quand elle vous prend par surprise.
Postposer mon plaisir…les monstres…ils en ont des bonnes, ce n’est absolument pas drôle, déjà que je ne sais pas rire, mais je ne sais pas pleurer non plus.
Me manquent les glandes sudoripares et les canaux lacrymaux.
Quelle chienne de vie.
Mais quand on baigne dans la Lumière, tout, absolument tout disparaît.
Vibration holistique totale, fatale, absolue.
Ils appellent ça Dieu ou quelque chose comme ça.

II

Elle est de taille moyenne.
A l’air petite à force de rondeurs maternes.
Elle porte bien le vêtement, elle a toujours eu le goût sûr, quelque soit le centimètre excédent.
Elle marche difficilement, elle sourit en s’excusant de sa lenteur.
Elle souffle, elle siffle, les poumons, l’effort, le cœur sans doute.
Elle sourit encore et encore, l’air a du mal à passer, mais les yeux du monde sont braqués sur elle.
Elle le sait, en est persuadée.
Les autres, cet enfer qu’elle aime et voudrait embraser.
Ses pas sont menus comme ceux d’une souris classieuse.
Ses mains sont belles, élégantes, racées, manucurées.
Son manteau volette autour d’elle comme une aura rouge.
Ses cheveux sont appliqués, teints, cuivrés par endroits, une mèche rebelle.
Aujourd’hui elle porte le pantalon.
Rouge et crème sont les couleurs du jour.
Tout est à l’avenant de la pointe nord à l’extrême sud.
Elle incarcère son bras droit dans le gauche de sa fille, antithèse totale.
Grande, 10 centimètres de plus que la duègne.
La tête est fine, féline, les cheveux se battent, la démarche nerveuse, trépignante.
L’habit en plastic bleu roi, dernier cri mais pas celui de la mode, le sien.
Elle a de qui tenir.
Le vêtement épouse les formes étroites du corps, comme une seconde peau, sans l’oppresser.
Elle rit, plaisante, a mal pour la mère, sa respiration l’agresse alors elle choisit d’être légère comme l’air pour soulager l’aïeule.
Ses 10 centimètres ont la prétention d’en simuler 20, une femme flûte.
Aucune rondeur, presque androgyne, la maternité inexistante.
Cheveux nature, noirs parsemés d’anthracite dont elle n’est pas peu fière, elle trouve cela top.
Ne supporte pas l’artifice conventionnel.
Ses mains sont grandes, des êtres vivants, toujours en mouvement pour accompagner la parole.
Ses pas sont dansants, le pied grand, son complexe qu’elle enrobe de fin cuir pour le camoufler et le protéger du quolibet.
Le bras de la mère est si lourd qu’il entraîne celui de la fille vers le bas, le tréfonds mémoriel de souffrance, la culpabilité de bon aloi.
La fille ne supporte pas et le signale à la mère en lui disant qu’il faut éviter la chute des corps.
Rires or qu’il n’y a vraiment pas de quoi.
Le visage de la mère.
Cadre large, pommettes saillantes, russe.
Le nez n’a plus rien à voir avec l’original, l’aristocratie du dessin s’est estompée en trompette de la jeunesse.
Minois de jeune fille de 80 ans.
Le visage se fige par endroits, le bistouri froid a fait son œuvre et le travail est impeccable.
La vie est partie par morceaux, il n’y a plus d’histoires à raconter.
L’œil est rond, la couleur est l’inquiétude, la peur aux aguets. Bleu-vert.
La bouche n’a pas été touchée, fine sur des dents carnassières.
Les ourlets des lèvres toujours peints.
Sourire qui dément de façon magistrale la douceur panique du regard.
Le visage filial est marqué, le bistouri est venu lui rendre visite mais n’a rien pu faire.
Le travail de la vie a supplanté toute tentative.
La forêt vierge, puissante, a envahi la terre défrichée.
Rien n’a tenu, les digues ont été rompues.
Trop d’histoires à raconter, encore.
L’œil est oblique, la couleur est l’amour, la bravade aux aguets. Brun-noir.
Le cadre est étroit comme les hanches, rock.
Le nez est particule, altier, début en arêtes pour finir en rondeur caractérielle.
La bouche est mince, toujours sèche en attente de baisers mouillés.
Le sourire est encadré par deux trompe-la-mort, des sillons profonds d’amertume, de pleurs rentrés, qui font peur et la garcifient.
Quand les lèvres s’étirent de plaisir, le visage est celui de la douceur totale et l’autre, ce juge, est complètement sous le charme et lâche tout.

III

Je suis gourmée de soleil.
Ai arraché 10 poils à la pince à épiler sur une de mes jambes interminables.
La sensibilité carnée est telle qu’elle ne peut s’attaquer qu’avec parcimonie.
Je m’adresse à moi, fais passer le temps des criquets, les heures fatidiques, de l’insolence solaire.
Entre notes pincées, notes frappée, frottements d’élytres, mots palabres lâchés dans le non-vent, j’erre.
A l’ombre de tout sauf du silence.
Jour d’après le jour d’avant
La séquentielle ritournelle
Les balles multicolores tournoyantes
Les visages étrangers rafraîchissants
Les grimages instantanés
Les dragues abouties
Les mains frôlantes, bourdonnantes
Les couleurs festives
Les breuvages mortels bleus
Les arrêts sur image, sourire d’Adèle
Les réunions inutiles
Les acteurs coqs de bruyère
Les comédiens investis et Don Quichottistes
Les incompréhensions fatiguées
Les astres lumineux
Et toujours les élytres entrechoquées.
Je ne t’écris plus, ton ombre s’estompe
Tes contours flous
Ta silhouette évanouie
Seule et unique, la mémoire du présent
Le remember de l’âme épanouie
La vibration du souvenir est dense et m’auréole
Le succès libidineux des hommes faits
M’atteint mais ne pénètre pas
Ma camisole invisible c’est toit
Un essai du coup de pied désiré
Dans le creux du pli poplité
Interdit
Œil de biche, velours, voix caresse
Habitué aux hourras de la faune humaine
Il guette, il m’a repérée, il attend
L’évidence de ma soumission respectueuse
Impossible
L’attaque insidieuse, douce, surfante
Mine de rien, archi sûr, tacticien
Oui, mais voilà
Ça me laisse froide et souriante
A peine troublée par le brouhaha
Suscité par sa présence princière
Le sang bouillant de Chimay bleue
Les phéromones cloisonnés
Le sourire persiste, Adèle mon modèle
Trois soirées de suite
Et puis s’en vont
La fougue de l’attrait estompée
C’est déjà fini
Mascarade d’un comédien hors normes
Je ne suis plus le fil
Me suis égarée
Je ne connais pas l’équilibre
Plier jamais, se plier toujours
Etre sa propre ballerine, sa danse
J’aimerai chanter des mots inconnus
M’accompagner
Mais l’inconnu se dérobe
Encore et encore
Un jour je dirai oui
Le néologisme à la bouche
Je suis contente
Je vis.

IV

Veille de la fête nationale. Hmmm
Fête ?
Où veillent les moribonds ?
National est mortel, il a succombé depuis des lustres.
Lecture soufflée, balbutiée, chuchotée, onomatopée, scandée, rythmée, dansée.
Gouffre instinctuel proche du côlon.
Peau boursouflée d’aléas, vésicules mini tapies.
Peaux tambourinées, enthousiasmées de noir.
Les moustiques virevoltent, précis, dardarisent nos peaux sucrées transpirantes.
Les hommes bleus, regard braisé, dentition vorace, rient, chaloupent, shakespeariens.
Tata tam bang bang
Tata tam bang bang
Tata tam bang bang,
Nous y sommes
Dans le désert azuré
Ebènes,
Coiffés d’une myriade d’étoiles
Nacrés, salés,
Chaussés de bouts de ficelles
La table pourpre
Ronde à souhait
La lune prégnante
Opaline
Je veux un coït cérébral,
Hommes-loups,
Où êtes-vous ?

Je m’ennuie.
Il est 1h30 du matin.
La lumière diffusée par le rectangle biseauté ne projette que l’ombre.
Spectacle affligeant, clap clap de mains maigres.
Nous sommes des gens éduqués,
Ecarte les cuisses
Le mistral est come back
La lune déborde, jaune
La femme à roulettes est venue
Elle était gentille, douce
Presque une mère aimante
On peut se tutoyer ?
Attractive mais ce n’est pas la lune
La lune est mon amie
Elle a des trous d’ombres
Et ne s’en cache pas
Bien au contraire, elle s’en pavane
Un homme noir m’a raconté une histoire
Les tâches lunaires sont liées à une faute
Le soleil et la lune avaient la même maman
Un jour…
Plus tard.
Rien, rien ne se passe.
Cache-cache de l’astre nocturne
Barbecue volant, je n’ai pas faim
Jean où sont tes lettres ?
Lettre a, lettre t lettre o lettre i
A toi et quelque chose catimini
Je me sens juste kata mini
Manque le a comme dans amour, âme, A MOI, allons-enfants-de-la-patrie, demain.
Fête nationale
Quel désastre !
Les flammèches de barbecue mistraleront-elles ?
Je suis triste
Tu ne m’as pas demandé mon adresse
A quoi ressembles-tu ?
Un vent balayeur ?
Un balayeur vantard ?
Une orange rouge ?
Acidulée sang pur sang ?
REPONDS